14 Mar Me Metaxas, rebelle avec cause
par Eric Pelletier – lexpress.fr – voir l’article
Le conseil de l’ordre des avocats a rendu sa décision dans « l’affaire Metaxas », à Lyon. David Metaxas, défendu par Me Alain Jakubowicz, était poursuivi pour une demi-douzaine de dossiers. Ses pairs se sont montrés cléments. Le trublion du barreau lyonnais a finalement écopé d’un simple « blâme » alors que cinq mois d’interdiction d’exercice avec sursis avaient été requis lors de l’audience, en février dernier.
Le message, rédigé à la manière d’une petite annonce, est tombé, par surprise, un soir de janvier sur les téléphones d’une poignée de journalistes: « Besoin de reconversion et besoin de changer d’air !!! Jeune avocat pénaliste (rock’n’roll) prend tout poste de chronique (judiciaire ou non) payé (super bien payé) !!! » Me David Metaxas, enfant terrible du barreau lyonnais, allait-il raccrocher la robe? Depuis, cet homme de 36 ans a retrouvé le sens des réalités et le goût du combat pour affronter le conseil de l’ordre – l’instance disciplinaire de sa profession -, saisi de six griefs à son endroit: en particulier, une lettre incendiaire à un confrère (il s’en est excusé), une prise de col avec un autre (lui assure avoir été « agressé »), deux mises en examen dont il conteste, avec quelques arguments, le bien-fondé… Piment supplémentaire d’un dossier décidément hors normes: Metaxas fit longtemps les « 400 coups » avec son rival et ami Michel Neyret, le commissaire lyonnais poursuivi depuis 2011 dans une retentissante affaire de corruption.
Cinq mois de suspension avec sursis ont été requis à l’encontre de l’avocat. David Metaxas n’explosera finalement pas en vol, façon météorite au-dessus de l’Oural: ses pairs lui ont offert une seconde chance. Le trublion du barreau lyonnais a écopé d’un simple « blâme ».
Le règlement intérieur de la profession stipule qu’un avocat se doit d’incarner les principes « de délicatesse, de modération et de courtoisie ». « Des notions très subjectives au xxie siècle », relève l’expérimenté conseil de Metaxas, Me Alain Jakubowicz, chez qui débuta le trublion, en 2002. L’intéressé, de son côté, livre sa vision, sans concession, de l’exercice du métier: « Seule la défense du client compte. Le reste n’est que décorum et conventions. »
« J’ai essayé vraiment de devenir le meilleur des avocats »
Des affaires médiatiséses et ses liens avec l’ex-n°2 de la PJ lyonnaise, Michel Neyret, ont fait de Davide Metaxas un personnage complexe.
J.F. Marin pour L’Express
Le jeune avocat lyonnais, mis en examen dans l’affaire du commissaire Neyret, détonne par sa manière d’exercer son métier. Au point de risquer de lourdes sanctions. Portrait d’un trublion.
Le conseil de l’ordre des avocats a rendu sa décision dans « l’affaire Metaxas », à Lyon. David Metaxas, défendu par Me Alain Jakubowicz, était poursuivi pour une demi-douzaine de dossiers. Ses pairs se sont montrés cléments. Le trublion du barreau lyonnais a finalement écopé d’un simple « blâme » alors que cinq mois d’interdiction d’exercice avec sursis avaient été requis lors de l’audience, en février dernier.
Le message, rédigé à la manière d’une petite annonce, est tombé, par surprise, un soir de janvier sur les téléphones d’une poignée de journalistes: « Besoin de reconversion et besoin de changer d’air !!! Jeune avocat pénaliste (rock’n’roll) prend tout poste de chronique (judiciaire ou non) payé (super bien payé) !!! » Me David Metaxas, enfant terrible du barreau lyonnais, allait-il raccrocher la robe? Depuis, cet homme de 36 ans a retrouvé le sens des réalités et le goût du combat pour affronter le conseil de l’ordre – l’instance disciplinaire de sa profession -, saisi de six griefs à son endroit: en particulier, une lettre incendiaire à un confrère (il s’en est excusé), une prise de col avec un autre (lui assure avoir été « agressé »), deux mises en examen dont il conteste, avec quelques arguments, le bien-fondé… Piment supplémentaire d’un dossier décidément hors normes: Metaxas fit longtemps les « 400 coups » avec son rival et ami Michel Neyret, le commissaire lyonnais poursuivi depuis 2011 dans une retentissante affaire de corruption.
Cinq mois de suspension avec sursis ont été requis à l’encontre de l’avocat. David Metaxas n’explosera finalement pas en vol, façon météorite au-dessus de l’Oural: ses pairs lui ont offert une seconde chance. Le trublion du barreau lyonnais a écopé d’un simple « blâme ».
Le règlement intérieur de la profession stipule qu’un avocat se doit d’incarner les principes « de délicatesse, de modération et de courtoisie ». « Des notions très subjectives au xxie siècle », relève l’expérimenté conseil de Metaxas, Me Alain Jakubowicz, chez qui débuta le trublion, en 2002. L’intéressé, de son côté, livre sa vision, sans concession, de l’exercice du métier: « Seule la défense du client compte. Le reste n’est que décorum et conventions. »
« J’ai essayé vraiment de devenir le meilleur des avocats »
Le 7 mars, nous le retrouvons à la cour d’appel de Lyon. Regard outremer, cicatrice à l’arcade sourcilière: de ce physique charpenté s’échappe une voix douce, presque adolescente. Petite géopolitique de l’audience il s’assoit à l’extrémité du banc de la défense, à distance de ses confrères, résolument non aligné. Il plaide proprement. Il est plutôt doué, et il le sait. L’ennui, c’est qu’il devrait laisser les autres en juger. « J’ai essayé vraiment de devenir le meilleur des avocats, écrit-il dans son livre, publié en 2012 (1). C’est un crime de lèse-majesté dans le milieu judiciaire. Circonstance aggravante, dans mon esprit, mais dans mon esprit seulement, j’y suis arrivé. » Cette immodestie désarmante en devient presque enfantine. D’un sourire, sa compagne, acupunctrice, confirme que la fêlure remonte à loin.
Au-dehors, Me Metaxas affiche la réussite conformiste du pénaliste installé: grosse Audi devant le cabinet, vaste demeure à la campagne. En dedans, il s’agit d’un personnage complexe, dévoré par sa passion pour l’écriture et la peinture – sa dernière toile sèche sur un chevalet. Il décrit une enfance mutique, bercée par Pink Floyd, empoisonnée par les railleries sur son embonpoint. Yann, son frère jumeau, se souvient de leur adolescence à Villeurbanne (Rhône), dans le quartier populaire des Gratte-Ciel (une envie d’ascension déjà ?). « Pour réviser ses cours, David s’enfermait dans la salle de bains avec des boules Quies, raconte-t-il. Ce bûcheur ne sortait pas afin de mieux réviser. Son côté rebelle est arrivé avec la notoriété. »
Il accompagne ses clients jusqu’en boîte de nuit
A l’époque, il se rêve encore juge ou procureur, lui qui a été élevé dans le culte du service public, entre un père « aux impôts » et une mère « aux douanes ». Devenu assistant du procureur de Villefranche-sur-Saône (Rhône), il apprend humblement le solfège de l’audience. Mais l’échec au concours de la magistrature brise son élan. Peu importe, il aura sa revanche, il sera avocat – « le plus vieux métier du monde » – et se comportera comme un « vice de procédure à [lui] tout seul ».
En 2005, le voici partie civile lors de l’affaire de l’incendie du tunnel du Mont-Blanc (39 morts). « Il connaissait le dossier sur le bout des doigts », se souvient le journaliste Richard Schittly, une plume du Progrès. A l’heure de pointer les responsabilités, le tout jeune Metaxas plante ses banderilles. Le Figaro s’étonne alors de sa « cruauté », rappelant celle de « ces enfants qui arrachent les ailes des mouches ».
Une fois installé à son compte, il enchaîne les dossiers médiatiques, invitant la presse à les relayer. Si bien que, à partir de 2009-2010, son nom s’impose dans le milieu du grand banditisme. L’avocat y met du sien, accompagnant ses clients jusqu’en boîte de nuit, quand les pénalistes plus roués conservent une distance prudente avec ce monde-là.
Avec Michel Neyret, alors n° 2 de la PJ de Lyon et icône d’une génération de policiers, s’engage une compétition à distance. Etrange attelage entre ce grand flic angoissé à l’idée de la retraite et ce « jeune loup » du barreau miné, à l’époque, par une rupture sentimentale. La nuit venue, l’armistice se fête au champagne. In vino veritas… A la manière du duo Gabin-Belmondo dans Un singe en hiver, ils se tirent par la manche dans de mémorables virées. Au matin, chacun reprend sa route. De temps à autre, le policier appelle l’avocat pour le narguer ou donner des nouvelles, forcément mauvaises, d’un malfrat. « Ton amigo, on le cherche plus. – Ah, vous l’avez arrêté? – Non, il vient de se faire fumer à Marseille… »
Le commissaire ignore alors qu’il est sur écoutes. Lorsqu’il tombe, en septembre 2011, c’est à son compagnon de bordée qu’il fait appel. « Tu parles d’une fin de carrière… » lui glisse le policier, menottes au poignet. Me Metaxas renoncera finalement à le défendre, invoquant le conflit d’intérêts avec ses dossiers habituels. Peut-être anticipe-t-il aussi les ennuis à venir…
« Jamais il n’y a eu d’information en retour »
Car Neyret l’entraîne malgré lui dans sa chute. Un rapport sur l’assassinat d’un de ses clients, obtenu avant qu’il n’ait officiellement accès au dossier, est trouvé lors d’une perquisition au cabinet Metaxas. D’où une mise en examen pour « recel de violation du secret professionnel ». « Jamais il n’y a eu d’information en retour », jure Metaxas. Lui aussi fait l’expérience de la garde à vue, en mars 2012. « Toute ma vie n’aura été qu’une longue chute libre, admet le pénaliste. Maintenant c’est l’atterrissage. »
Ce choc en retour l’a transformé. Son confrère lyonnais Gabriel Versini, auquel il avait un jour adressé un courrier vénéneux, confirme: « David est fougueux et impétueux, mais aussi compétent et talentueux. Il a compris qu’il y avait des règles ordinales à respecter. » « J’envisage des modalités d’exercice plus pépères », concède l’intéressé, papa d’une fillette de 5 ans. « Pépère »? On craint d’avoir mal compris. David Metaxas ajoute aussitôt: « Bon, tu sais, je n’ai rien promis… » Pas si dupe de lui-même, finalement.